Comme chaque année depuis 2010, Mark Coker, fondateur et CEO de Smashwords, a publié au 30 décembre dernier ses prédictions pour l’année qui s’ouvre au sujet de l’industrie du livre en général et du secteur des ebooks en particulier. Le 31 décembre, il a également posté sur le blog de sa plateforme le bilan de l’année 2013 pour Smashwords. Voici, en traduction, quelques-uns des points forts de ces deux articles. Leur contenu concerne en premier lieu les marchés américain et anglo-saxon, mais les tendances qui s’en dégagent ne manquent pas d’indications au sujet des futurs développements de l’édition numérique en France et en Europe.
Le bilan. Le graphique ci-dessous se passe de commentaires : la progression par rapport à 2012 en nombre de titres publiés est d’environ 86 000 (+ 45 %), en partie grâce à l’arrivée de 25 000 nouveaux auteurs (+ 42 %). Sur ce point, je voudrais attirer l’attention des auteurs francophones sur l’intérêt pour eux de Smashwords, qui me semble négligé. Smashwords est une plateforme d’autopublication gratuite semblable à Amazon, mais également un distributeur qui vous permet de vendre vos livres automatiquement sur Apple, Kobo, Fnac, Sony, Diesel et d’autres librairies en ligne. C’est un plus. Dans les catégories romance, fantasy, erotica (celles qui marchent le mieux dans la galaxie des ebooks), plusieurs titres de Smashwords se sont retrouvés dans diverses listes de best sellers américaines l’année dernière. Commentaire de Mark Coker : « C’est là un nouvel ordre du monde où le pouvoir de publier passe des bureaux des éditeurs traditionnels dans les mains des auteurs. »
Les prédictions. Mark Coker en fait 12. L’an dernier, 21. « Plusieurs se sont avérées, plusieurs autres étaient prématurées mais pourraient encore se concrétiser, et quelques-unes étaient carrément erronées », constate-t-il aujourd’hui. « C’est le côté amusant du jeu des prédictions. Même des prédictions incorrectes, analysées après coup, nous aident à dessiner notre compréhension du présent et du futur ».
1 – En 2014, les grands éditeurs traditionnels vont baisser les prix de leurs publications numériques. Jusqu’ici, ils se sont toujours battus bec et ongles pour maintenir un prix élevé de leurs ebooks, par crainte d’une cannibalisation de leur production imprimée. Mais ce faisant, ils ont laissé la porte grande ouverte aux auteurs indépendants pour vendre leurs livres en dessous de la barrière de 5.99 $, un avantage compétitif incontestable surtout pour toute une littérature « légère », de nombreux ouvrages d’accès facile pour les lecteurs. Il est vrai que si un certain nombre de gens lisent pour se cultiver, la majorité le fait pour se détendre et s’évader. « Notre étude en 2013 a démontré que les livres affichés entre 2.99 $ et 3.99 $ se sont vendu, en moyenne, quatre fois plus que ceux dont l’étiquette dépassait 7.99 $ », commente Coker.
Les éditeurs traditionnels en ont pris note. Dans le monde anglo-saxon en tout cas, puisqu’on trouve encore, aujourd’hui, des éditeurs français qui vendent des versions numériques de leur production plus cher que la version papier ! L’an dernier, les éditeurs américains ont commencé à réagir face à l’avantage compétitif des indépendants en procédant à des baisses de prix agressives sur leurs ebooks lors de promotions temporaires. En 2014, estime Mark Coker, ce qui était temporaire tendra à devenir la règle. Mais attention : « La baisse des prix est une pente glissante. Quand les consommateurs seront conditionnés pour acheter des livres de « grands auteurs » à 3.99 $ ou moins, toute l’industrie du livre sera forcée d’aller dans ce sens. » Conséquence : l’avantage compétitif dont bénéficiaient les auteurs indépendants va diminuer.
2 – Quand tout le monde vendra des ebooks en-dessous de 4 $, les promotions effectuées à prix cassés par les indépendants deviendront moins efficaces. Si les lecteurs se trouvent face à une offre illimitée de livres de qualité de leurs auteurs préférés, cela signifie – pour les auteurs indépendants – que d’autres facteurs que le prix prendront de l’importance.
3 – La croissance des ventes d’ebooks ralentit. « Nous savions tous que cela allait se produire », note Mark Coker. « Des augmentations de 100 à 300 % d’une année à l’autre ne pouvaient pas continuer indéfiniment. Une remise à niveau normale, cyclique, arrive. »
4 – Avec des centaines de milliers de livres publiés chaque année et des catalogues de détaillants contenant désormais des millions de titres, la concurrence que devront affronter les auteurs indépendants en 2014 va augmenter de manière drastique.
5 – Les ventes d’ebooks, mesurées en dollars (ou en Euros) vont diminuer en 2014 en raison du déclin des prix que fixeront les grands éditeurs et d’une transition ralentie entre l’imprimé et les liseuses ou tablettes.
6 – Mais les ventes d’ebooks, mesurées en nombre d’exemplaires, vont augmenter. La croissance ralentit, certes, mais se poursuit malgré tout. La diminution du chiffre d’affaires du marché global du livre, provoquée par une baisse des prix moyens, masquera le fait que plus de livres seront lus que jamais auparavant.
7 – Un plus grand nombre d’auteurs à succès vont quitter leurs éditeurs pour devenir indépendants. De multiples forces du marché vont conspirer pour amener de nombreux auteurs publiés traditionnellement à tourner le dos à leurs éditeurs. Ceux-ci vont tenter de maintenir les royalties de 25 % qu’ils versent à leurs auteurs pour les éditions numériques de leurs livres (contre 60 à 80 % selon les différentes plateformes d’autopublication). Mais les revenus de ces auteurs vont décroître en raison de la baisse de prix qui se dessine sur les ebooks offerts par les éditeurs traditionnels. Parallèlement, même si la transition vers les liseuses et tablettes subit actuellement une baisse de croissance, cette croissance continue. De plus en plus de lecteurs, à l’avenir, vont lire en numérique. Les tirages de livres imprimés et leur distribution en librairie en souffriront, ce qui affaiblira le pouvoir qu’avaient jusqu’ici les éditeurs traditionnels sur leurs auteurs.
10 – Les services d’abonnements aux ebooks vont changer le jeu. Si de tels services qui émergent actuellement, comme Scribd et Oyster, parviennent à convaincre par leur modèle d’affaires, cela modifiera la manière dont les lecteurs abordent et consomment les livres. Le principe : un abonnement mensuel, comme pour le téléphone ou l’électricité, permettant une lecture sans limite pour 9 ou 10 $. L’attention du lecteur, et la capacité du livre à retenir l’attention du lecteur, deviendront les nouveaux facteurs déterminant le succès d’un écrivain.
11 – Les éditeurs traditionnels devront réévaluer leur approche de l’autopublication. Les auteurs ne dépendent plus aujourd’hui des éditeurs traditionnels. Ils ont le choix entre ceux-ci et l’autopublication. Si les éditeurs veulent assurer l’avenir de leur production, ils doivent attirer du sang neuf, et ne plus dire « Non » à 99 % des manuscrits qui leur sont soumis. Ils doivent élargir leur palette de services aux auteurs (à tous les auteurs), qui peuvent avoir des besoins et des envies différents, afin de pouvoir dire « Oui » dans 99 % des cas. Comment ? En établissant leurs propres plateformes gratuites d’autopublication, ce qui leur permettrait de prendre un risque sur chaque auteur reconnu sérieux, de lui donner la chance d’être publié et – pour ceux qui connaîtraient le succès – de leur proposer une publication en version imprimée.
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