Joe A.Konrath: « L’autopublication n’est pas le petit bassin de la piscine… »

… où les enfants apprennent à nager. »

 

Joe A. Konrath est un écrivain américain qui vit dans la région de Chicago. Il écrit des polars dont l’héroïne est l’inspecteur Jacqueline Daniels, surnommée « Jack Daniels » par ses collègues. J’en ai lu deux, et sans les mettre à la hauteur de ceux d’Elmore Leonard et de Michael Connelly, mes deux auteurs favoris dans ce genre, je les ai trouvés très bons et bien ficelés. Bien meilleurs que ceux de Pat Robertson, un mégaseller. Pas de doute, Konrath est un pro du genre.

tracywrites.books.com

 

 

 

 

 

 

J’avais découvert Konrath il y a environ deux ans, par le biais d’un article de son blog consacré à l’autopublication et à l’édition numérique, auxquelles il a d’ailleurs consacré un ouvrage, ainsi qu’un autre livre sous la forme d’un dialogue savoureux et passionnant avec son confrère et ami Barry Eisler. D’une manière générale, Konrath est un de ceux qui ont écrit de la manière la plus extensive sur la révolution numérique du livre et ses implications pour les auteurs, les éditeurs traditionnels et les lecteurs. Il a convaincu de nombreux écrivains – confirmés ou nouveaux – à se lancer dans cette voie, dont moi-même.

Le dernier article de son blog (23 décembre 2012), reprend les résolutions d’écrivain qu’il avait exprimées en fin d’année depuis 2006, et comprend bien sûr celles qu’il formule pour 2013. Et cet article est fascinant car il résume le chemin parcouru à la fois par le phénomène de l’autopublication et par cet homme qui voulait vraiment être un écrivain. Pas un écrivain un peu dilettante qui n’irait pas au-delà de deux ou trois titres en rêvant, bien sûr, de devenir un nouvel Hemingway et abandonnerait devant le peu de succès qui est le lot de l’immense majorité de la « profession ». Non, Konrath voulait devenir un écrivain professionnel, faire carrière, gagner sa vie avec son écriture. A l’américaine: écrire est pour lui un job, un business, ce qui suppose une attitude et un engagement particuliers.

Vous voulez être publié et rester publié ? Cela implique de faire de l’écriture une priorité. Cela suppose des sacrifices. Un sacrifice implique de choisir quelque chose à la place d’une autre. Si vous ne pouvez pas consacrer le temps, l’énergie et l’argent qu’il faut pour poursuivre cette carrière, faites quelque chose d’autre, écrivait-il en décembre 2008. Et encore: Personne ne va rien vous donner dans ce business. Vous devez être futé, vous devez être bon, travailler dur et avoir de la chance. La chance joue un rôle important. Et quand quelque chose va mal, cela devrait vous conduire à travailler davantage. Mais quand quelque chose de bien se produit, vous ne pouvez pas croire que c’est gagné, parce que ce n’est pas vrai. Vous n’avez pas forcément droit à cette carrière.

Voici quelques années, quand il a voulu se lancer comme écrivain, Joe A. Konrath avait dix romans sous le coude, tous rejetés par des éditeurs et des agents. Cinq cents refus au total. En 2009, lorsque Amazon a lancé sa liseuse Kindle et la plateforme électronique qui lui est associée, il a décidé de s’autopublier. Il a été un des pionniers en la matière, suivi depuis par des milliers d’auteurs aux Etats-Unis et à travers le monde. Et il a réussi. Le talent, le travail, la volonté. Et la chance, bien sûr. D’autres ont certainement autopublié d’aussi bons livres que les siens, mais n’ont connu qu’un succès modeste. Tout comme dans l’édition traditionnelle.

Il y a tout juste une année, écrivait-il fin 2010,  j’ai gagné en décembre 1650 $ sur le Kindle Store, et j’ai été étonné de pouvoir payer les intérêts de mon hypothèque avec ces ventes de livres. Ce mois-ci, je gagnerai plus de 22 000 $. Ceci n’est moins rien que révolutionnaire. En ce moment, j’ai sept romans autopubliés, chacun générant plus de 24 000 $ par année. En six ans, au rythme actuel, je gagnerai plus d’un million de dollars avec ces livres. Mais je ne m’attends pas à ce que mes ventes en restent à ce niveau. Je m’attends à ce qu’elles augmentent. Le marché des ebooks n’est pas encore saturé. Mais il va l’être un jour. Et il faut être prêt à cela. Ce qui signifie…

D’abord, ce n’est pas parce que chacun peut s’autopublier que chacun devrait le faire. L’autopublication n’est pas le petit bassin de la piscine où les jeunes enfants apprennent à nager. Vous devez déjà être un excellent nageur avant d’y plonger. Et il ajoute: si la chance joue un grand rôle dans le succès, l’autre élément de l’équation est le professionnalisme. Faites faire des couvertures percutantes par des professionnels. Révisez, révisez, révisez. Faites éditer, améliorer vos textes. Soyez prolifiques. Utilisez toutes les plateformes disponibles pour vendre vos livres: Amazon, mais aussi Sony, Apple, Smashwords, Kobo, etc. Et surtout, être professionnel implique que vous ne serviez pas de la m….. au public.

Mais l’autopublication représente une chance pour vous d’apprendre ce qui se vend. Pour la première fois, l’écrivain peut mener ses propres expériences en la matière. En tentant différentes choses, en apprenant de ses erreurs, en improvisant, nous avons plus que jamais le pouvoir de trouver des lecteurs. Beaucoup de gens savent combien d’argent je gagne, mais combien savent que:

J’ai changé ou modifié mes couvertures 45 fois.

J’ai reformaté chacun de mes livres cinq fois.

J’ai modifié leur présentation plus de 80 fois.

J’ai changé le prix de chaque livre deux ou trois fois.

A l’inverse de l’édition traditionnelle, où les livres publiés sont statiques, l’autopublication est dynamique. Si quelque chose ne marche pas aussi bien que vous le souhaitez, vous pouvez le changer. Le travail ne se termine pas quand vous publiez votre ebook sur le Kindle Store. Ce travail n’est jamais terminé.

Apôtre de l’autopublication, Konrath n’est pourtant pas sectaire: Je ne suis pas en train de dire que vous devriez renoncer à l’édition traditionnelle. Je suis en train de dire qu’il n’y a AUCUN inconvénient à s’autopublier. Au pire, vous gagnerez quelques dollars. Au mieux, vous ferez fortune, et tous les agents et éditeurs se battront pour vous avoir.

Mais Konrath sait bien que rien n’est jamais gagné à l’avance, que l’échec peut survenir. Ses conseils: n’ayez pas peur de l’avenir. La peur conduit au doute, et à partir de là, on prend le mauvais chemin. Ne soyez pas jaloux des succès des autres, ne vous réjouissez pas de leurs échecs. Et souvenez-vous de cela: vous ne trouvez pas le succès.Le succès vous trouve. (…) Les ebooks sont éternels, et les étagères virtuelles pour les accueillir infinies. Une fois que vous aurez publié, vous vendrez toujours.

A l’aube de cette année 2013, Konrath, qui a 10 000 abonnés sur Twitter et dont le blog reçoit des milliers de visites chaque semaine, règle son compte à l’idée que le succès, dans l’autopublication, passe forcément par les réseaux sociaux, qu’il dit ne plus utiliser. Croyez-moi, c’est une libération que de s’épargner les opinions des autres. Nous devons tous nous concentrer sur l’écriture de nos livres, parce que des millions de lecteurs, autour de nous, n’en ont rien à fiche de nos blogs.(…) C’est très facile de devenir obsédé dans ce business. Mais je n’ai jamais vu la moindre preuve que l’obsession puisse aider des carrières. Ce que j’ai vu, maintes fois, ce sont des gens qui trouvent le succès en écrivant de bons livres. (…) C’est la seule chose à faire, et la seule que vous puissiez contrôler.

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