Selon une récente édition du quotidien 24 Heures, Droopy, un chien croisé labrador-berger allemand détenu depuis le 10 mai 2012 à la SPA, devrait pouvoir rentrer bientôt chez ses maîtres en attendant une décision judiciaire définitive à ce sujet.
J’avais sympathisé avec Droopy et ses propriétaires depuis le début de cette lamentable affaire. Droopy avait mordu la main d’un gamin qui l’avait taquiné à travers le grillage de son jardin. Une réaction tout à fait normale de la part d’un canidé. Blessure apparemment sans gravité, mais qui avait conduit à une visite chez le médecin. J’imagine que celui-ci avait signalé le cas au vétérinaire cantonal, et une absurde machinerie politico-administrative s’était mise en route.
Absurde parce qu’il s’agissait d’un incident mineur, dont la responsabilité incombait à l’enfant. Ses parents, des amis des propriétaires de Droopy, l’avaient d’ailleurs reconnu. Mais non. Survenu dans le sillage d’autres affaires ayant impliqué des chiens dangereux qui avaient infligé des blessures plus sérieuses à des personnes, Droopy avait été pratiquement condamné. « Irrémédiablement dangereux », avait décrété le vétérinaire cantonal, qui avait préconisé l’euthanasie. Quelle légèreté ! Quel abus !
J’avais sympathisé avec Droopy et ses maîtres parce que j’ai eu moi aussi un Droopy, un flatcoated retriever merveilleux. Il est décédé en février 2011, et sa mort – son absence surtout – m’avait flanqué le blues pendant quelques mois. Au point que j’avais décidé d’écrire un petit livre sur les chiens: sur lui, sur Kidou, la petite femelle (flatcoated elle aussi) qui l’a remplacé, les chiens et nous, la place qu’ils tiennent dans notre vie.
J’ai surtout sympathisé avec le Droopy séquestré parce que le mien, en 2007, avait commis un acte qui m’avait mis en face de la machinerie dénoncée plus haut. Un proche qui le connaissait bien avait joué avec lui, qui tenait un bout de branche dans sa gueule. A un moment donné, dans l’excitation du jeu, Droopy avait déplacé sa prise de deux centimètres, et une de ses canines avait entamé la main de son partenaire de jeu entre le pouce et l’index. Rien de grave, mais le soir venu, voyant sa peau bleutée et craignant le risque d’une infection, cette personne avait fait un saut dans une permanence pour soumettre son cas à un médecin. Qui s’était révélé enquêteur: quel type de chien, à qui appartient-il ? Des renseignements fournis sans méfiance aucune par le « patient », et transmises derechef, à son insu, au vétérinaire cantonal.
J’ai reçu quelques jours plus tard une lettre ce ce dernier se référant à l’incident et m’informant que mon chien allait être soumis à une évaluation, et que les mesures qui pourraient être prises, en cas de conclusions négatives, pourraient aller jusqu’à l’euthanasie. Sidérant par rapport aux faits !
A ma demande, la personne qui avait joué avec Droopy était intervenue auprès du vétérinaire pour lui expliquer en détail les circonstances de cet incident, et préciser qu’elle était seule responsable de ce qui s’était passé avec ce chien qui n’avait jamais mordu personne auparavant. Réponse de l’officialité: « Au vu des éléments recueillis, nous renonçons pour le moment à procéder à une évaluation de votre canidé. Nous vous demandons par contre de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter un nouvel incident impliquant votre animal, auquel cas d’autres mesures devraient être prises. » Copie de cette lettre à la municipalité de mon village.
Bref, mon Droopy l’avait échappé belle. Mais le Droopy de Corcelles-près-Payerne n’a pas eu cette chance. Il aura passé 16 mois dans un refuge de la SPA, ses maîtres auront vécu 16 mois d’angoisse à l’idée de voir leur chien victime d’une grande injustice.
Le comportement de Droopy a été évalué par un expert indépendant, qui a déclaré que la décision de séquestre définitif et d’euthanasie n’a pas lieu d’être. Ce chien aurait pu devenir dangereux ou dépressif – ou les deux – durant sa longue détention. Il n’en est rien, dit l’article de 24 Heures. Au contraire, il a fait la fête à tout le monde lors d’une visite-test dans la maison de sa famille. Il est joueur. Il accepte même la muselière, qui est le plus souvent ressentie comme une contrainte majeure par les chiens. Brave Droopy !
Droopy doit pouvoir rentrer rapidement et définitivement chez lui. Cette affaire n’a que trop duré. Que d’acharnement, de longueurs de procédures, de déclarations sécuritaires au sujet d’une pécadille ! C’est révoltant quant on pense au laxisme de la justice dans des situations autrement plus graves: les dealers qui ne passent que quelques heures au poste avant de reprendre leur dangereux business, les chauffards qui s’en tirent avec le sursis après avoir provoqué de graves accident, on pourrait allonger la liste.
Hop Droopy ! Que ta vraie vie de chien reprenne, pour ton bonheur et celui de tes maîtres.
Et que l’Etat prenne en charge la facture de ses décisions abusives: 480 jours de pension à la SPA à 20 fr. par jour, ça fait 9600 balles.