Beaucoup de personnes intéressées par la Seconde guerre mondiale et l’aviation ont sans doute vu The Memphis Belle, réalisé en 1990 par Michael Catton Jones. Un long métrage de fiction à la fois beau et honnête, en ce sens qu’au-delà de l’hommage rendu à l’équipage de cet avion, il met en scène de manière réaliste tout ce qui pouvait leur arriver au cours d’une mission de bombardement sur l’Allemagne.
Les équipages des B-17, ces « forteresses volantes » pourtant si vulnérables, devaient accomplir 25 missions avant d’être retirés du théâtre des opérations européen et de rentrer aux Etats-Unis. C’était une terrible roulette russe. En 1943 et jusqu’au début de 1944, ces bombardiers étaient abattus par les Allemands en moyenne entre leur 8e et 12e mission. Beaucoup n’en accomplissaient que trois, quatre ou six. Un grand nombre ne revenaient pas de la première. L’équipage comportait dix personnes, et certaines formations étaient composées de 1000 avions. Elles en perdaient parfois deux ou trois cents au cours d’une seule opération.
Ce qui faisait de ces aviateurs les combattants les plus exposés à la mort. Dans l’infanterie, il y avait quatre ou cinq blessés pour un mort au combat. Dans les équipages de bombardiers, quatre ou cinq morts pour un blessé. Entre leur première mission en août 1943 et leur dernière, le 8 mai 1945, la quarantaine de groupes de bombardement de la 8e Air Force avait perdu 4145 appareils.
Le 17 mai 1943, l’équipage du Memphis Belle fut le premier à terminer sa 25e mission. Telle est du moins la croyance populaire en raison de la filmographie consacrée à cet événement. En fait, on doit à la vérité historique d’indiquer qu’un autre B-17, le Hell’s Angel, avait atteint cet objectif le 13 mai de la même année.
Reste que l’exploit du Memphis Belle fut le sujet d’un film réalisé par William Wyler (Ben Hur, Vacances romaines, La loi du Seigneur). Tourné à des fins de propagande, ce documentaire un peu oublié plonge le spectateur dans ce que vivaient vraiment les équipages de ces bombardiers. C’est surtout la fin (depuis la 27e minute) qui nous fait prendre conscience des terribles épreuves qu’ils traversaient. Le personnel de la base qui attend, angoissé, le retour des avions partis en mission, qui les compte, un à un. Les ambulances qui foncent sur le terrain vers ces gros oiseaux troués de toutes parts, dont on se demande comment ils ont pu revenir, pour emmener les morts et les blessés. Les pilotes, navigateurs, mitrailleurs, rentrés physiquement intacts, mais hagards, l’enfer encore derrière leurs yeux. C’est poignant.
Comme l’est un autre film réalisé par une autre star d’Hollywood, l’acteur Clark Gable : Combat America. Lui aussi destiné à la propagande, ce film révèle mieux que le film de Wyler l’intensité des combats que devaient souvent affronter les formations de B-17 avant de pouvoir larguer leurs bombes, et après aussi. Wyler et Gable ont fait preuve d’un très grand courage en montant à bord de ces avions lors de missions sur l’Allemagne. Ils ont risqué leur vie. Ce lien sur les conditions et les problèmes de tournage rencontrés par William Wyler et son équipe en témoigne.
Une fois leur mission accomplie, le Memphis Belle et son équipage rentrèrent aux Etats-Unis. Ils se posèrent sur les aérodromes de différentes villes pour promouvoir l’effort de guerre américain. Puis le B-17 resta abandonné pendant longtemps dans un hangar. Depuis plusieurs années, cet avion mythique est en voie de restauration au Musée national de l’US Air Force, dans l’Ohio.
Le lieutenant John Philip Garreau, le héros de mon roman La légende de Little Eagle, est un pilote de combat qui, lors de sa première mission, accompagne une formation de B-17 sur l’Allemagne pour les protéger. Le prologue du livre raconte cette journée au cours de laquelle Johnny Garreau remporta deux victoires.