Posez la question autour de vous, parmi les gens qui s’intéressent un tant soit peu à l’aéronautique : qui effectua le premier vol motorisé et contrôlé de l’histoire de l’aviation? Il y a beaucoup de chances pour que la réponse soit : les frères Wright. C’était en décembre 1903. Et on l’a tellement répété depuis que cet épisode de vol s’est imposé comme une vérité.
Mais avec le temps, bien des dogmes et vérités considérés comme absolus et indéboulonnables finissent par se fissurer avec l’émergence d’autres sources d’information jusque-là enfouies, ou simplement négligées. Toni Giacoia le démontre avec brio dans son livre Une autre histoire de l’aviation.
En fait, le premier vol motorisé et contrôlé avait été effectué deux ans plus tôt par Gustav (« Whitehead ») Weisskopf, un pionnier allemand de l’aviation émigré aux Etats-Unis. Un document officiel, signé en 2013 par le gouverneur du Connecticut, en atteste, de même que Jane’s All the World’s Aircraft, la « bible » de l’aviation mondiale, dans son édition de 2013. Ce site dédié à Gustave Whitehead est par ailleurs une précieuse source d’information sur l’aviateur.
Remettre en cause la « vérité historique » du premier vol par les frères Wright, aux Etats-Unis notamment, fait pourtant toujours figure de tabou. Prestige national, bien sûr, mais il y a aussi un contrat liant les frères Wright et leur succession avec la Smithsonian Institution, contrat obligeant celle-ci à défendre, historiquement parlant, la primauté du vol de Wilbur et Orville en 1903.
La polémique continue de faire rage et les « pro Wright » ne désarment pas. Ils peuvent arguer du fait que le comité éditorial de Jane’s ne soutient pas officiellement la position du journaliste auteur de l’article attribuant cette primauté à Whitehead… mais toujours est-il que la prestigieuse revue refuse toujours d’en donner le crédit aux frères Wright. Un Français, peut-être, mettra un jour tout le monde d’accord : divers documents (qui demandent encore confirmation) laissent entendre que Clément Ader aurait volé bien avant, en 1890, voire même en 1879 !
Toni Giacoia consacre des pages passionnantes et passionnées à cet épisode charnière dans l’histoire de l’aviation, ses premiers pas (ses premiers sauts !) dans la modernité. Mais l’auteur de ce livre fabuleux de 500 pages, format annuaire téléphonique, nous emmène aussi loin dans le temps et dans l’espace du monde. Il nous conte les mythes, les légendes, l’imaginaire, les rêves (Icare) des hommes qui, voici plus de mille ans déjà,
fascinés par le vol des oiseaux et leur appartenance à l’immensité du ciel (le sacré), rêvaient de pouvoir un jour s’arracher à la terre. Il revisite les travaux, les essais, les exploits (et les échecs) des très nombreux pionniers dont les plus avancés, il n’y a guère plus d’un siècle, parvinrent à faire décoller différents types de machines volantes.
L’auteur (qui déclare aimer les avions comme d’autres aiment les chevaux) a bien sûr rêvé dans ce registre durant son enfance. Pilote de planeur, mécanicien, il travaille dans l’aéronautique depuis 1982, enseignant notamment l’anglais aéronautique. Il tient un blog (http://airforces.fr/pall/ ) susceptible d’attirer aussi bien les professionnels que les amateurs passionnés d’aviation. Dans son livre, il nous régale en nous faisant partager ses découvertes, en jetant un regard nouveau sur des thèmes anciens, en sortant des oubliettes toutes sortes d’histoires et d’informations captivantes.
Une autre histoire de l’aviation n’est pour moi pas simplement un livre de plus sur l’aviation, avec ses repères chronologiques et techniques. Cette histoire se lit comme une saga. Le texte est complété par une très riche iconographie, une vaste bibliographie et de nombreux liens Internet qui ont surgi ces dernières années, révélant ainsi d’autres sources précieuses pour une mise à jour de cette épopée fascinante des « merveilleux fous volants ».
Arriva un jour où l’aviation transita de l’artisanat ( ou du génial bricolage) vers la production industrielle, et où les généraux comprirent qu’elle deviendrait une composante majeure des guerres futures. C’est l’occasion pour Toni Giacoia d’évoquer longuement l’aviation militaire dans le premier conflit mondial, avec la figure de Maxime Lenoir. Un pilote surdoué et audacieux, « l’as de Verdun », oublié pendant presque un siècle. Fin 2016, la mémoire de ce « Guynemer de Touraine » a été honorée par son village de Chargé, en Indre-et-Loire, où une école porte désormais son nom.
Mon héros à moi dans l’aviation est Chuck Jaeger. Par le texte et des photographies rares, Toni Giacoia retrace le parcours de ce trompe la mort qu’était Lenoir. Je peux dire de lui, comme on l’a dit du célèbre pilote américain, qu’il avait l’étoffe des héros.
Florian Rochat est l’auteur d’un roman #aviation/2e guerre mondiale: La légende de Little Eagle
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