«The Memphis Belle » – 17 mai 1943 – Sortie de l’enfer

 

Le 17 mai 1943, l’équipage du «Memphis Belle », un bombardier B-17 de la 8e USA Air Force basée en Angleterre, accomplissait sa dernière mission: bombardement d’une base allemande de sous-marins à Lorient. Et il en est revenu, ce qui n’était pas garanti.

Cet avion est entré dans la légende de l’histoire de la guerre aérienne parce que son crew a été le premier à accomplir les 25 missions nécessaires pour être retiré du théâtre des opérations et pouvoir rentrer aux Etats-Unis. (Ce quota fut porté pas la suite à 30, puis 35 missions.)

www.libertyfoundation.org

Pour mémoire, cette année-là et jusqu’aux premiers mois de 1944, les B -17 étaient – en moyenne – abattus par la Luftwaffe et la flak entre leur 8e et 12e mission. En moyenne. Beaucoup n’en accomplissaient que trois, quatre ou six. Un grand nombre ne revenaient pas de la première. L’équipage comportait dix personnes. Certaines formations étaient composées de 1000 avions. Elles en perdaient parfois deux ou trois cents en un jour.

Ce qui faisait de ces aviateurs les combattants les plus exposés à la mort, après le personnel (beaucoup moins nombreux) des sous-marins. Dans l’infanterie, il y avait quatre ou cinq blessés pour un mort au combat. Chez les bombardiers, quatre ou cinq morts pour un blessé. Entre leur première mission en août 1943 et leur dernière, le 8 mai 1945, la quarantaine de groupes de bombardement de la 8e Air Force a perdu 4145 appareils. Exemples : 153 avions détruits en 324 missions pour le 94e groupe ; 159 pertes sur 314 missions pour le 384e, 189 sur 321 pour le 96e, 58 sur 195 pour le 398e, 33 sur 188 pour le 486e. Au total, les Etats-Unis (Boeing) avaient produit 12 731 B-17.

J’ai découvert l’histoire de « The Memphis Belle » en 1990 avec le film de Michael Catton Jones. C’est un film très honnête en ce sens qu’au-delà de l’hommage rendu à l’équipage de cet avion, il met en scène de manière réaliste tout ce qui pouvait leur arriver au cours d’une mission.

J’ai pu vérifier la justesse de cette synthèse en lisant l’extraordinaire livre de Donald L. Miller, Masters of the Air –malheureusement indisponible en français –qui raconte l’histoire de la 8e Air Force et la quête de la domination aérienne par les alliés en Europe. Ce livre fourmille de témoignages et souvenirs de pilotes, navigateurs, mitrailleurs, souvent hallucinants. Les combats contre la chasse allemande, les vols au milieu des obus tirés par les puissantes défenses antiaériennes du Reich, l’épreuve des vols en haute altitude, où les hommes récoltaient des gelures nécessitant souvent l’imputation, s’asphyxiaient parce leurs masques à oxygène se bouchaient, les dizaines d’avatars possibles à bord (moteurs réduits à néant, radio coupée, incendies), sans parler des balles de 12 mm. des Messerschmitt et des obus qui pleuvaient sur ces forteresses, tuant et blessant ses occupants. L’horreur, la peur et l’adrénaline à leur niveau maximum.

Les équipages des B-17, quand ils survivaient, ne tardaient pas à devenir un peu dingues et relever du traitement psychiatrique en urgence. Mais –incroyable – certains mitrailleurs, retournés aux Etats-Unis et s’ennuyant ferme dans leur nouveau rôle d’instructeurs, avaient rempilé pour un nouveau « tour » en Europe!

« The Memphis Belle », dans la version fiction de Catton Jones, met le doigt sur l’occasion de propagande auprès de l’opinion publique américaine que la réussite de son équipage avait représenté pour Washington. J’ai découvert deux autres film dans cette veine. Un du metteur en scène William Wyler, un documentaire également intitulé « The Memphis Belle » consacré à ses missions et à ses hommes, et un autre réalisé par l’acteur Clark Gable, « Combat America ».  Tous deux destinés à la propagande, entre hommage aux airmen et message aux Américains sur la nécessité du combat mené par leur pays.

 

Clark Gable avec un équipage de B-17

Ces deux stars de Hollywood ont effectué, chacun de son côté, plusieurs missions, à l’évidence au péril de leur vie, comme en témoignent leurs films. Paradoxalement peut-être, la mise en scène de Michael Catton Jones restitue de manière plus réaliste la nature de ces missions de bombardement que les reportages de Wyler et Clark.

Mais je vous invite à voir, et à revoir encore, les dernières minutes du document de William Wyler (depuis la 27e minute). Sur la base, les autres pilotes et membres d’équipage attendent le retour de mission d’une formation de B-17. Angoissés, ils comptent les atterrissages. Les ambulances foncent sur le terrain vers ces gros oiseaux troués de toutes parts, dont on se demande comment ils ont pu revenir, pour emmener les morts et les blessés… Les membres d’équipage rentrés intacts physiquement, mais hagards… Poignant.

Et enfin, le retour de « The Memphis Belle » (le vrai). Les spécialistes noteront que William Wyler, dans son film, se réfère -cartes à l’appui – à une mission de cet avion sur Wilhelmshaven, en Allemagne, qui avait eu lieu deux jours plus tôt que celle –ultime- sur Lorient. Mais peu importe. Heureusement tout de même que « The Memphis Belle » est rentré ce 17 mai 43. Dans le cas contraire, le film aurait passé aux oubliettes.

Dans la 8e Air Force, il y avait également des groupes de chasse, qui à partir du printemps de 1944 accompagnaient les B-17 dans leurs missions de bombardement. « La légende de Little Eagle », un roman évoque la vie de ces « fighters ». In English: « The Legend of Little Eagle ».

 

 

Share
Ce contenu a été publié dans Aviation et pilotes, Tout le blog, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.